L’ouverture de l’audience aura été, comme prévu, dominée par des questions procédurales, notamment de la part de la défense décidée à faire prévaloir l’incompétence du tribunal.
La Cour de justice de la République (CJR) est-elle compétente pour connaître des faits évoqués dans le procès sur le financement présumé libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy ?
C’est en tout cas la conviction de l’ancien président de la République et de Brice Hortefeux, son ex-serviteur du ministère français de l’Intérieur à l’Élysée. Ces deux personnalités politiques françaises, tout comme onze autres prévenus dont les anciens ministres Claude Guéant et Eric Woerth sont poursuivis en France par la justice pour divers crimes.
Le plus significatif concerne Sarkozy attrait à la barre pour « corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs ». En cause ? Des millions d’euros prétendument versés à son bénéfice par la Libye de l’ex-dirigeant africain Mouammar Kadhafi contre certaines largesses.
Parmi celles-ci figurerait l’effacement des déboires judiciaires d’Abdallah Al-Senoussi, d’après divers témoignages recueillis par les juges d’instruction chargés de ce dossier complexe – dont l’ancien chef de l’État aurait d’ailleurs dit lui-même que « personne n’y comprend rien ».
Une bataille juridique attendue
« Au cours d’un voyage officiel, après une invitation officielle, il rencontre un personnage officiel. Ces éléments se situent dans l’ensemble de ses fonctions ministérielles », a ainsi raconté Mᵉ Jean-Yves Dupeux, avocat de Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux Collectivités territoriales en décembre 2005 lors d’une visite en Libye au cours de laquelle il aurait rencontré Abdallah Senoussi pour mystérieux échange de coordonnées bancaires.
Son collègue Jean-Michel Darrois, défenseur de Nicolas Sarkozy, y est allé de la même veine, arguant que les actes reprochés à ce dernier relevaient de ses fonctions ministérielles puis présidentielles.
Pour une juridiction plus clémente
« L’accusation nous entraîne dans un tunnel sombre, sur les décombres de la Constitution. J’ai le sentiment que certains procureurs et juges d’instruction considèrent que Nicolas Sarkozy est leur domaine réservé », a ensuite lancé l’avocat, selon le compte-rendu des débats rapporté par Le Monde.
De quoi susciter la colère du procureur Quentin Dandoy, qui a fustigé la recherche d’un « privilège de juridiction » et réfuté avec véhémence les insinuations sur un possible acharnement judiciaire.
Derrière la démarche des avocats de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux figure la remise en jeu de la CJR, que la Chambre d’instruction a pourtant déjà écartée. Cette juridiction qualifiée d’exception par ses détracteurs, offrant théoriquement un cadre plus clément aux anciens serviteurs de la République.