Le service de streaming américain propose désormais des contenus doublés grâce à l’intelligence artificielle. Un tournant dans le monde de la fiction.
Depuis le 5 mars 2025, Prime Video met à la disposition de ses abonnés, une douzaine de films et séries entièrement doublés par l’intelligence artificielle (IA), sans aucun enregistrement de voix humaines.
Les œuvres impliquées concernent « Mi Mama Lora » (2016), « Long Lost » (2018) ou encore le film d’animation « La Légende du Cid » (2003), toutes désormais accessibles en anglais et en espagnol et destinées principalement au marché latino-américain, d’après l’annonce d’Amazon.
Telle est l’essence même du doublage cinématographique : permettre un accès plus large aux œuvres en s’affranchissant des barrières linguistiques. Cela peut d’ailleurs avoir un intérêt économique, notamment pour les contenus dont la popularité ne justifierait pas l’investissement d’un doublage traditionnel.
Avec l’explosion de l’IA et son omniprésence dans tant de secteurs d’activités, il s’agit à bien des égards, d’une étape irréversible. Mais les inquiétudes ne manquent pas. Les détracteurs alertant sur la menace existentielle que cette technologie fait peser sur toute une profession.
Une industrie en plein doute
À cet effet, une étude récente de PMP Strategy réalisée pour la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) prévoit que le marché des contenus audiovisuels et musicaux atteindra 64 milliards d’euros.
Cette croissance fulgurante risque de se faire sans les professionnels humains. D’après cette même enquête, les créateurs audiovisuels pourraient perdre jusqu’à 21% de leurs revenus d’ici 2028.
La menace est d’ores et déjà palpable dans l’industrie du doublage français dont dépendent 15 000 professionnels, pour un chiffre d’affaires estimé entre 650 et 700 millions d’euros en 2023, d’après le groupe de protection sociale Audiens.
Un certain nombre d’entre eux ont ainsi manifesté fin décembre 2024, sous la houlette de leurs syndicats respectifs.
Une initiative controversée
« Comment un robot pourra-t-il avoir assez d’esprit pour traduire des gags intraduisibles, comme ceux de la série Friends sur la culture juive new-yorkaise ? », a pesté Emmanuel Curtil connu pour incarner la version française des voix de Jim Carrey, Ben Stiller, Mike Myers et Sacha Baron Cohen.
« En attendant d’éventuelles évolutions législatives, nous exigeons des protections – dans nos conventions collectives et dans nos contrats – afin d’interdire l’utilisation de notre travail pour entraîner les systèmes d’IA et créer des voix synthétiques, reconnaissables ou non », ont lancé les protestataires, dans propos rapportés par Le Monde.
L’initiative d’Amazon ne va donc certainement pas apaiser les inquiétudes. Même si elle s’inscrit dans une tendance plus large d’adoption de l’IA dans les médias. YouTube et ESPN s’y étant d’ailleurs déjà investis.
Elle reste cependant pour l’heure fortement controversée. C’est sans doute pour cette raison que le géant américain de la tech a communiqué après coup.