La justice française au creux de la vague

La récente condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire dite des assistants parlementaires fait déferler sur l’institution judiciaire, un torrent de critiques frisant bien souvent la défiance envers ce socle primordial de tout État de droit.

« On est dans une période un peu inquiétante où on sent bien qu’une partie de la société veut tester la robustesse de notre vie démocratique, en remettant en question notre État de droit ». Le sentiment d’Alexandra Vaillant est sans appel sur le climat sociopolitique actuel en France.

La secrétaire nationale au Syndicat supérieur de la magistrature (USM), interrogée par Le Monde, fait ainsi référence à la tempête médiatique qui a envahi le débat sur la justice depuis la sentence prononcée le 31 mars 2025 contre Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires fictifs impliquant son parti.

Déclarée coupable de détournements de fonds, la patronne du Rassemblement national (RN) écope de deux ans de prison ferme aménageables sous bracelet électronique, deux ans avec sursis et 100 000 euros d’amende.

Surtout, elle est désormais inéligible pour une période de cinq ans en raison de l’exécution provisoire de cette peine ordonnée par le tribunal.

Une vague sans précédent de menaces contre la magistrature

S’en est suivie une vague sans précédent de menaces contre la magistrature. Les répercussions de cette condamnation ont rapidement dépassé le cadre du simple débat juridique. Sur les réseaux sociaux, la présidente du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, est devenue la cible privilégiée de l’extrême droite.

Cette magistrate, subitement accusée de partialité par des proches de Marine Le Pen pour avoir déclaré il y a quelques années son admiration pour son ex-consœur Éva Joly, a fait l’objet d’insultes et de menaces diverses. Même son adresse personnelle a été diffusée en ligne.

« La magistrate a assumé très clairement de mettre en œuvre l’exécution provisoire de l’inéligibilité, c’est-à-dire en réalité de rendre mon appel inutile sur ce sujet pour m’empêcher de me présenter et d’être élue à l’élection présidentielle« , a notamment fustigé la condamnée sur TF1, estimant que « l’État de droit a été totalement violé ».

L’ordre public démocratique au cœur des débats

Dans la ligne de mire de la députée du Pas-de-Calais et de nombreux autres détracteurs de cette sentence judiciaire, figure la justification de l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, notamment par « l’impératif de sauvegarde de l’ordre public ».

Le tribunal a en effet estimé qu’il y aurait un « trouble majeur à l’ordre public démocratique » si Marine Le Pen pouvait se présenter à l’élection présidentielle alors qu’elle a été condamnée en première instance pour détournement de fonds publics.

Cette offensive anti-justice a poussé le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et le Conseil national des barreaux à exprimer publiquement de l’ »inquiétude », alors que d’aucuns parlent déjà de « trumpisation » du débat public français.

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