Spotify, un ovni européen ?

Le spécialiste du streaming musical peut s’enorgueillir d’être l’une des très rares acteurs du numérique en Europe à succès, dans un environnement dominé par des géants américains.

Le 4 février 2025 restera, à certains égards, comme une date charnière dans l’histoire de la tech européenne. Elle marque en effet l’annonce du premier bénéfice net annuel pour Spotify, l’entreprise de fourniture de musique à la demande créée en 2008 à Stockholm, dans la capitale suédoise.

Après des années d’investissements massifs ponctués de certaines coupes, y compris dans le rang du personnel, la plateforme de streaming musical, numéro un mondial dans son domaine, a su dégager en 2024 1,14 milliard d’euros de marge bénéficiaire

Un contraste avec les 532 millions d’euros de pertes enregistrées une année plus tôt. Cette rentabilité marque un tournant stratégique pour l’entreprise qui privilégiait jusqu’ici, la croissance aux profits. Même quand tout semblait tourner à l’envers, comme avec son pari peu porteur sur les podcasts.

Dans le détail, la société fondée par Daniel Ek compte désormais 675 millions d’utilisateurs, dont 263 millions d’abonnés payants. Soit une progression de 11% d’une année sur l’autre, malgré deux hausses tarifaires en 2024.

Une réussite détonante en Europe

Cela représente, comme l’indique l’éditorialiste Philippe Escande dans une de ses récentes chroniques au journal Le Monde, de loin la somme des audiences de ses concurrents américains YouTube Music, Apple Music et Amazon Music réunis.

Dans une industrie de la tech accaparée par des marques américaines, allant de Google à Facebook, Amazon sans oublier Microsoft – les fameux Gafam –, une telle performance détonne de la part d’un acteur européen. D’autant plus à l’heure où le Vieux Continent essuie des reproches pour son retard dans la course effrénée à l’intelligence artificielle.

« Nos grands industriels, au lieu d’admirer béatement Elon Musk, auraient dû être à l’initiative, mais ils manquent de patriotisme. Si on parle beaucoup en Europe de l’IA, de ses risques et de ses opportunités, ce discours n’est adossé à aucune stratégie techno-industrielle digne de ce nom », regrettait récemment Asma Mhalla, spécialiste du lien entre les enjeux technologiques et géopolitiques à Sciences Po, dans un entretien accordé au Monde.

Un modèle économique qui arrive à maturité

Elle réagissait au développement par la Chine de DeepSeek, un modèle d’IA générative à moindre coût, mais tout aussi performant que ses pairs américains réputés parmi les meilleurs du marché.

L’exemple de Spotify offre peut-être une image de l’horizon du possible pour une entreprise européenne dans le domaine à la fois foisonnant et concurrentiel de la tech mondiale. Encore faudrait-il que les pouvoirs publics favorisent l’émergence de champions sur ce continent.

Car ils restent trop souvent perçus, à tort ou à raison, comme plus actifs dans la régulation. Au grand dam de quelques acteurs qui tentent d’y émerger.

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