France : les restitutions culturelles enfin effectives ?

Le Sénat examinera le 24 septembre le projet de loi censé faciliter la restitution d’objets culturels acquis par la France durant la période coloniale.

C’est une information révélée par Le Monde : le projet de loi-cadre sur les restitutions des biens culturels est inscrit à l’agenda du Sénat, marquant une étape décisive pour ce texte qui doit faciliter le retour de milliers de pièces conservées dans les musées français vers leur pays d’origine.

Selon les chiffres du quotidien du soir, le Sénégal réclame 10 000 objets, l’Éthiopie 3 000, le Tchad autant, tandis que la Côte d’Ivoire souhaite récupérer 148 pièces. Les demandes proviennent également d’Italie (sept objets archéologiques) et du Népal (deux sculptures), entre autres.

Des objets qui, pour la plupart, ont rejoint les collections françaises dans des conditions pour le moins discutables, comme le révèle une contre-enquête récemment menée par le musée du Quai Branly en collaboration avec des chercheurs africains, pointant notamment la Mission Dakar-Djibouti.

Cette expédition ethnographique, organisée en pleine période coloniale française entre 1931 et 1933 par Marcel Griaule, a en effet permis de ramener à la « mère-patrie » un butin colossal comprenant 3 600 objets, 6 000 photographies, 200 enregistrements sonores et des dizaines de restes humains.

Entre mémoire et réconciliation, un enjeu civilisationnel

« Le rapport de force et le contexte historique de l’époque m’amènent beaucoup plus à insister sur le mode d’acquisition dolosive », explique le professeur Hugues Emen, directeur du Musée national du Cameroun sur la chaîne YouTube « Histoires Crépues », faisant référence au fait d’obtenir quelque chose par tromperie.

La restitution apparaît donc d’autant plus nécessaire qu’elle permet aux peuples dépossédés de retrouver une mémoire « qui les aurait sans doute aidés à mieux se connaître eux-mêmes, certainement à se faire mieux comprendre des autres », selon les termes de l’appel lancé en 1978 par le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow (1921-2024), alors directeur général de l’Unesco.

Pour la France, il s’agit d’un moyen de réparer une part des injustices du passé, dans un contexte de sentiment antifrançais exacerbé sur le continent africain. Mais les hésitations observées jusqu’ici dans ce dossier promis par Emmanuel Macron depuis 2017 illustrent les difficultés du pays à assumer pleinement la part d’ombre de son histoire.

Un parcours législatif semé d’embûches

En effet, une première version du texte avait été rejetée par le Conseil d’État en février 2024 au motif que « la conduite des relations internationales et la coopération culturelle » ne justifiaient pas une dérogation aux règles d’inaliénabilité des biens culturels publics.

La haute juridiction administrative exigeait l’inscription d’un « motif impérieux » ou d’un « intérêt général supérieur », formulation qui impliquait de reconnaître explicitement le contexte colonial ayant permis ces appropriations.

Le nouveau texte, consulté par Le Monde, tente de contourner cet obstacle en évitant toute référence explicite au colonialisme. Il justifie la restitution par la nécessité de « permettre la réappropriation par son peuple de biens constituant des éléments fondamentaux de son patrimoine ». Cela suffira-t-il ? Les pays spoliés attendent en tout cas le retour de leurs œuvres avec impatience.

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