Le gouvernement marocain a déposé plainte en France pour diffamation contre les organisations Forbidden Stories et Amnesty International dans l’affaire de cyber-espionnage Pegasus. Une audience s’est tenue jeudi 27 janvier pour déterminer la recevabilité de cette plainte, alors que Forbidden Stories et Amnesty International ont plaidé que les services d’un Etat ne pouvaient pas lancer de procédures judiciaires.
C’est un scandale mondial qu’a révélé en juillet 2021 un consortium mondial de journalistes. La découverte d’un vaste programme international de cyber-espionnage mis au point par une société israélienne, NSO Group, qui proposait un logiciel espion aux services secrets de plusieurs pays pour leur permettre d’espionner les téléphones portables de nombreuses personnalités (opposants, journalistes, chefs d’état et responsables politiques étrangers notamment).
Forbidden Stories et Amnesty International, qui ont fait parvenir les fichiers-clients aux journalistes, sont à l’origine de l’enquête internationale sur les clients de Pegasus, parmi lesquels figurait le Maroc. Une situation que dément le royaume chérifien, qui a décidé de porter plainte pour diffamation contre les deux organisations en affirmant que les fichiers-clients en question seraient des faux.
Une plainte pour diffamation qui, avant d’être examinée sur le fond, doit être jugée recevable par le tribunal correctionnel de Paris. Les deux ONG réclament en effet le classement de l’affaire, estimant que les services d’un Etat n’ont pas le pouvoir de lancer des poursuites judiciaires en France pour diffamation. Pour sa part, le Maroc souhaite la tenue d’un procès pour défendre sa position selon laquelle ses services n’ont ni acheté ni utilisé le logiciel Pegasus.
C’est donc un imbroglio juridique qui se prépare entre les deux parties. D’une part, une jurisprudence de la Cour de cassation de 2018 indique qu’aucune disposition légale « ne permet à un État étranger, pas plus qu’à l’État français, d’engager une poursuite en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un État ne pouvant être assimilé à un particulier au sens de l’article 32, alinéa 1, de la loi précitée ».
D’autre part, selon le professeur de droit Emmanuel Dreyer, le Maroc pourrait être « recevable à se constituer partie civile, sur le fondement de l’article 32, al. 1, de la loi du 29 juillet 1881 incriminant la diffamation publique envers un particulier, dès lors qu’il prétend agir au nom de l’un de ses services publiquement mis en cause ». Selon le spécialiste de droit privé, la jurisprudence de la Cour de cassation ne peut pas permettre d’interdire « en France l’accès à la justice d’un État dont les services sont diffamés sur le territoire de la République ».
C’est cette question technique que le tribunal correctionnel devra trancher dans les prochains jours avant, peut-être, de traiter du dossier de fonds. Selon Rodolphe Bosselut, l’avocat du Maroc, le royaume chérifien « souhaite simplement pouvoir plaider son dossier et soumettre à une juridiction française la diffamation dont il fait l’objet ».
Pour cela, une audience s’est tenue jeudi 27 janvier devant la 17ème Chambre correctionnelle du Tribunal Judiciaire. Les accusés, Forbidden Stories et Amnesty International, qui devaient présenter des preuves concernant les accusations lancés contre le Maroc, n’en ont apporté aucune et on concentré leurs attaques sur la procédure en cours.
De quoi apporter de l’eau au moulin de l’avocat du Royaume du Maroc, Me Olivier Baratelli, qui a déclaré que « derrière l’affaire Pegasus, c’est un dossier vide», avant d’insister sur sa volonté que l’affaire « soit examinée sur le fond » dénonçant « les manœuvres de diversion procédurière car le dossier est vide, les services de l’Etat marocain n’ayant jamais acquis et utilisé le logiciel PEGASUS ». « Cette campagne de désinformation ne doit pas restée impunie », a-t-il conclue.
C’est désormais à la Justice de trancher…