Après avoir gardé le silence lors du dernier interrogatoire, Salah Abdeslam, le principal accusé au procès du 13-Novembre, a parlé plus longuement cette semaine des attentats. Mais il l’a fait principalement pour se donner un peu d’humanité et se dédouaner.
Alors qu’il avait choisi de se taire lors de son dernier interrogatoire, Salah Abdeslam, le principal accusé au procès du 13-Novembre, a accepté cette semaine de revenir longuement sur les attentats de Paris et Saint-Denis, qui ont fait 130 morts. La cour d’assises spéciale de Paris s’est penchée sur la fuite du seul membre encore vivant des commandos et sur sa vie dans les planques jusqu’à son arrestation le 18 mars 2016.
Il ne savait rien de la mission…
Le mercredi, l’accusé a livré posément des détails de son court parcourt de terroriste. Salah Abdeslam a raconté qu’à l’été 2015, il prévoyait de partir combattre en Syrie comme son frère aîné Brahim. Mais ce dernier, alors récemment rentré en Belgique, l’aurait dissuadé de rejoindre le front à cause des combats très rudes. Paradoxalement, il lui aurait demandé de l’aider à réaliser un autre projet. Pour le situer davantage sur celui-ci Brahim l’a emmené voir Abdelhamid Abaaoud, son ami d’enfance et l’un des djihadistes les plus recherchés d’Europe.
Salah Abdeslam affirme que le 11 novembre 2015, le coordinateur de la cellule a détaillé le projet des attaques en France. Il ne lui aurait pas donné les cibles, ni la mission ni le nombre exacts des kamikazes répartis dans deux planques à Bobigny et Alfortville, en région parisienne. On lui aurait seulement dit qu’il devrait porter une ceinture explosive et se rendre dans un endroit pour se faire exploser. « C’est un choc pour moi, je devais partir en Syrie (…) Je vais finir par accepter », confie-t-il.
Incapable de nuire à tous ces jeunes gens joyeux
Salah Abdeslam explique ensuite qu’il a fait du repérage dans la matinée des attentats avec son frère. Il a choisi un bar dans le 18e arrondissement de Paris parce qu’il y avait beaucoup de personnes dans ce coin. Le soir des tueries, il porte sa ceinture explosive et se rend dans le café en question. Mais, n’ose pas passer à l’action. « Je vois les gens qui rigolent, qui dansent. Je réfléchis, je comprends que je ne vais pas le faire. Je reprends la voiture, je roule… » pour une destination inconnue, jure l’accusé de 32 ans.
Puis d’ajouter : « Ouais, j’ai renoncé par humanité, pas par peur, c’était des jeunes, ils étaient plus jeunes que moi, je ne voulais pas les tuer ». Le vendredi, Abdeslam a été questionné par son avocat sur ce désistement. « Est-ce que vous regrettez de n’avoir pas eu le » courage » d’aller jusqu’au bout? », lui demande-t-il. Et l’accusé de répondre : « je ne regrette pas, je n’ai pas tué ces personnes et je ne suis pas mort». Il s’est mis ensuite à pleurer en évoquant la souffrance de sa mère. Cérise sur le gâteau, l’apprenti kamikaze a présenté ses excuses aux victimes ainsi qu’à ceux qu’il a entraînés dans cette aventure macabre.
Une fable pour se dédouaner
Notons qu’après avoir quitté le bar, Abdeslam a dit qu’il a dû abandonner sa voiture tombée en panne. Il a pris un taxi pour continuer jusqu’à Montrouge où il se débarrasse de sa ceinture explosive. Deux amis belges, aujourd’hui ses coaccusés, le récupère au petit matin du 14 novembre. Il expliquera après, à ses proches qu’il a failli à sa mission car sa ceinture n’avait pas fonctionné. Un mensonge pour s’éviter la honte d’avoir renoncé.
Pour l’accusation, le candidat kamikaze n’a pas éprouvé de l’humanité au moment de se faire exploser. Il manquait plutôt de détermination. Aussi, dénonce-t-elle une fable censée le soustraire de la responsabilité de ces attentats. « Salah Abdeslam essaie de construire une histoire dans laquelle il se dédouane au maximum, mais il n’a pas réussi à inventer un récit assez plausible », a soutenu Arthur Dénouveaux, président de l’association Life for Paris. Pour lui, il aurait dû continuer à se taire au lieu de verser dans cette tragi-comédie.