Kamel Daoud, le Goncourt de la discorde

L’écrivain franco-algérien est accusé d’avoir pillé l’histoire d’une Algérienne à travers son roman récompensé en 2024 du plus prestigieux prix littéraire français.

Jusqu’à quel point l’artiste peut-il se prévaloir de la sacro-sainte liberté de création dans ses œuvres ? Cette question, qui n’est pas singulière dans le paysage judiciaire français, est depuis mercredi 7 mai 2025 au cœur d’un nouveau procès.

Les protagonistes ? La maison d’édition française Gallimard, l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud et une jeune femme algérienne nommée Saâda Arbane. Rescapée de la guerre civile ayant secoué l’Algérie entre 1992 et 2002, celle-ci accuse l’auteur, devant la justice, d’avoir attenté à sa vie privée.

Au cœur de cette accusation figure « Houris », roman publié en août 2024 par Daoud et récompensé par le prix Goncourt trois mois plus tard. Une consécration éclair pour ce livre centré sur Aube (Fajr, en arabe), l’héroïne.

À travers cette œuvre, présentée comme une ode à la résilience face à la douleur, la transmission des blessures ou encore la quête de sens dans un monde empreint de silence et oppressant pour les femmes en Algérie, se révèle l’histoire d’Aube, survivante de cette guerre civile de 1992-2002 et dont elle porte toujours les séquelles.

De troublantes similitudes

Les similitudes la vie d’Aube et celle de Saâda Arbane, 31 ans et mère d’un jeune garçon de 8 ans sont particulièrement troublantes. Même type de blessure à la gorge résultante de son égorgement durant la guerre, même appareillage médical, même quartier de résidence, mêmes habitudes quotidiennes…

Jusqu’à des confidences très intimes comme son hésitation face à l’avortement de son fils, information qu’elle n’avait partagée qu’avec un cercle restreint, dont sa psychiatre de longue date Aïcha Dahdouh, qui n’est autre que l’épouse de Kamel Daoud.

« Il est totalement impensable de considérer que ces similitudes puissent avoir un caractère fortuit », tonnent, selon la plainte consultée par Le Monde, William Bourdon et Lily Ravon, avocats d’Arbane.

Des demandes maintes fois déclinées

« L’ampleur du pillage est, à certains égards, inédit et teinté d’un grand cynisme puisque ce ne sont pas simplement des épisodes de vie singuliers de la requérante qui sont “empruntés” par l’auteur, mais ce sont aussi des pensées personnelles, sinon intimes, confiées à l’épouse de l’écrivain dans un contexte thérapeutique et ensuite partagées par celle-ci avec son mari, monsieur Kamel Daoud, et ainsi à des centaines de milliers de lecteurs », appuient-ils.

L’amertume de la plaignante est d’autant plus grande qu’elle affirme avoir décliné à trois différentes reprises la demande d’exploitation de son histoire formulée par Kamel Daoud et son épouse.

« Houris est une fiction, pas une biographie. C’est l’histoire tragique d’un peuple« , se défend l’écrivain, dénonçant par ailleurs une procédure politiquement motivée, dans un contexte de tension entre l’Algérie et la France.

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