Face à Trump, l’Europe du cloud se réveille

La propension du locataire de la Maison Blanche à vouloir soumettre ses interlocuteurs, y compris par les menaces, accroît la nécessité pour le Vieux Continent de pouvoir contrôler ses données numériques. Plusieurs défis complexifient cependant la mise en place d’alternatives aux géants américains du secteur.

« Quand je dois faire des choix de cloud et que j’ai le choix entre Amazon, Microsoft ou Google, je ne suis pas très à l’aise pour mettre mes données dans tout ça ».

Les propos tenus en avril dernier en marge du Forum InCyber 2025, rendez-vous de la cybersécurité et de la confiance numérique organisé à Lille, par le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné, sont révélateurs de l’anxiété vécue par les chefs d’entreprises européennes depuis le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis.

Si la problématique d’une « souveraineté européenne » vis-à-vis de l’Amérique dans le domaine technologique a toujours existé, elle se pose désormais avec acuité en raison de la politique internationale erratique du président américain.

Lequel s’illustre en ne semblant pas différencier les alliés historiques du reste des acteurs de la géopolitique mondiale, dans le déploiement de sa doctrine de l’America First (Amérique d’abord, en français).

Une dépendance problématique

Dans ce contexte, le besoin d’une autonomie se fait pressant chez les Européens, notamment dans le secteur du cloud, ces gigantesques espaces numériques indispensables pour le stockage des données des entreprises et des gouvernements. L’enjeu ? Rompre avec la dépendance américaine.

Les chiffres disponibles à cet effet sont éloquents. D’après les dernières données de la plateforme Synergy Research Group, au premier trimestre 2025, les trois géants de l’industrie, tous américains, Google, Amazon et Microsoft, détiennent ensemble 63% de la part de marché mondial des services cloud.

Cette proportion se situerait même entre 70 et 80%, selon la secrétaire d’État chargée de l’intelligence artificielle et du numérique Clara Chappaz, citée par le journal Le Monde. Une mainmise d’autant plus problématique que l’inviolabilité des données européennes par un tiers n’est pas absolue.

Un gigantesque chantier

En effet, le Cloud Act (ou Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act), adopté en mars 2018, permet aux autorités des États-Unis d’accéder aux données hébergées par des entreprises américaines, où qu’elles soient dans le monde, dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

De quoi mettre à mal le principe sacro-saint de la protection des données. « On sent une prise de conscience et un intérêt énorme pour les questions de souveraineté numérique », Hélène Bringer, présidente de S3NS, la filiale d’hébergement cloud de Thalès, au Monde.

Mais le développement du cloud souverain européen se heurte à des obstacles majeurs, à la fois financier et technique. Sans oublier le cadre réglementaire objet de tensions diplomatiques grandissantes, les États-Unis menaçant de mesures de rétorsion contre toute politique jugée « discriminatoire » envers leurs entreprises.

« C’est bien que le gouvernement pousse à nouveau ces sujets, mais il faut encore mettre en cohérence les paroles et les actes« , cingle le député Philippe Latombe dans des propos rapportés par Le Monde, en référence au constant décalage entre les discours et les actions.

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