Une partie de la communauté scientifique a remis en question la fiabilité des conclusions de l’étude sur la chloroquine publiée le 22 mai dans The Lancet. Cette vaste étude met en évidence un effet neutre, voire néfaste, de la chloroquine chez les malades du Covid-19 hospitalisés. La méthodologie employée ne repondrait pas aux normes en la matière.
Un taux de mortalité 34% à 45% plus élevé ?
Une étude multicentrique, publiée le 22 mai dans la revue britannique The Lancet a conclu à un effet neutre, voire néfaste, de la chloroquine chez les malades du Covid-19 hospitalisés. Elle portait sur plus de 96 000 patients, répartis dans 671 hôpitaux à travers le monde, avec un âge moyen de 53 ans. Sur cet ensemble de malades, près de 15 000 ont reçu un traitement : de la chloroquine seule, de la chloroquine associée à un antibiotique macrolide, de l’hydroxychloroquine (Plaquenil) et de l’hydroxychloroquine combinée avec un antibiotique. Les 81 000 patients restants constituaient le groupe contrôle.
Les chercheurs ont constaté que le taux de mortalité dans « les groupes médicaments » s’avère 34% à 45% plus élevé que dans le groupe témoin. Aussi, le risque d’arythmie serait cinq fois plus élevé avec la prise de ces médicaments.
« Des inquiétudes liées à la méthodologie et à l’intégrité des données »
Peu après sa publication, le professeur Didier Raoult a jugé cette étude « foireuse ». Et cette fois, même des infectiologues sceptiques sur l’intérêt de la molécule contre le Covid-19 ont exprimé des doutes. Dans une lettre ouverte publiée le 28 mai, environ 120 médecins et scientifiques du monde entier soulignent que l’étude du Lancet soulève « à la fois des inquiétudes liées à la méthodologie et à l’intégrité des données ». Ils dressent une longue liste des points problématiques, de l’incohérence dans les doses administrées dans certains pays, des questions éthiques sur la collecte des informations sur les patients, et pointe du doigt le refus des auteurs de donner accès aux données brutes.
Les auteurs de l’étude se défendent
Le Dr Mandeep Mehra, qui a piloté l’étude parue dans The Lancet, a assuré vendredi à l’AFP qu’une « analyse académique indépendante des données » était lancée. Mais « les résultats, conclusions et interprétations de l’étude restent inchangés », a défendu le professeur de cardiologie à Harvard. Le Dr Sapan Desai, coauteur de cette étude et fondateur de Surgisphere (société spécialisée dans les données médicales) a justifié à propos de la fiabilité des données : « Ces données sont issues de la base de données de Surgisphere, qui est alimentée par les utilisateurs de notre logiciel de ‘machine learning’ QuartzClinical. Surgisphere est une interphase collaborative qui donne accès aux chercheurs à une base de données en temps réel avec l’information anonymisée de plus de 240 millions de visites médicales dans plus de 1 200 institutions de santé, dans 45 pays ».
Pour l’instant, les auteurs de l’étude n’ont rectifié qu’un mauvais classement de patients australiens, mais n’ont pas encore répondu aux autres questions.