En Italie, la justice a condamné lundi plus de 200 personnes lors du maxi procès contre la ’Ndrangheta, la tentaculaire mafia calabraise. Les peines vont de quelques mois à trente ans de prison ferme. Parmi les condamnés on retrouve des politiciens, des avocats, des hommes d’affaires et même des agents des forces de l’ordre.
La justice italienne a condamné, le lundi 20 novembre, plus de 200 personnes dans un procès XXL contre la ’Ndrangheta, l’organisation mafieuse calabraise. Sur les 338 accusés qui comparaissaient en première instance, précisément 207 ont été reconnus coupables et 131 ont été acquittés. Les condamnations vont de quelques mois de prison à trente ans de réclusion, une peine retenue contre quatre personnes.
Un ex sénateur, lieutenant-colonel, commandant des pompiers…
Parmi les condamnés, on retrouve des chefs de clans ayant écopé de 28 à 30 ans de prison. Il y a aussi des hommes politiques, dont l’ex-sénateur Giancarlo Pittelli, qui a pris 11 ans de réclusion alors que le parquet avait demandé une peine de dix-sept ans. Et comme dans les films hollywoodiens, on a des agents des forces de l’ordre. Parmi lesquels Giorgio Maselli, ex-lieutenant-colonel des Carabiniers (gendarmerie italienne) et Filippo Nesci, l’ex-commandant des pompiers de Vibo Valentia. Comme à l’avocat Francesco Stilo, on leur reproche d’avoir fourni aux mafieux des informations protégées par le secret d’instruction.
La ’Ndrangheta considérée tardivement comme une mafia
D’autres ont échappé à une condamnation. C’est le cas de l’ancien maire de la ville de Pizzo, Gianluca Callipo, acquitté alors que le parquet avait requis une peine de 18 ans de prison. Ce maxi procès a eu lieu dans un bunker sous haute surveillance à Lamezia Terme, une ville du sud de l’Italie gangrenée par le crime organisé. Une précaution qui témoigne de la dangerosité de la ’Ndrangheta. Cette organisation criminelle, dont les origines remonteraient à l’unification de l’Italie en 1861, aurait déjà liquidé des juges dans le passé.
20.000 membres dans une quarantaine de pays
Longtemps sous-estimée par la justice, la ’Ndrangheta n’a été considérée comme une mafia dans la loi italienne qu’en 2010. Contrairement à la Cosa Nostra en Sicile et la Camorra à Naples. La mafia calabraise a donc eu le temps de s’enraciner dans sa région natale, parmi les plus pauvres d’Italie. Elle a pu étendre ses tentacules dans le monde entier, dans une quarantaine de pays, où elle a infiltré et corrompu l’administration. Aujourd’hui, on considère la ’Ndrangheta comme la plus riche et la plus puissante des mafias italiennes. Elle compterait au moins 20.000 membres et réaliserait un chiffre d’affaires annuel de 50 milliards d’euros, en grande partie grâce au trafic de cocaïne.
Coopération entre la justice italienne et Interpol
La justice italienne a eu du mal à s’attaquer à ce syndicat du crime organisé à cause de sa structure familiale (composé d’environ 150 familles calabraises). Elle y est parvenue grâce à une coopération internationale conduite par Interpol dès 2019. Les révélations de repentis ont permis d’arrêter en 2021, au Brésil, le plus célèbre membre de la ‘Ndrangheta, Rocco Morabito. Auditionnés pendant quatre ans, ces collaborateurs ont révélé des secrets sur des caches d’armes dans des cimetières et des ambulances servant au transport de drogues. Ils ont même dévoilé comment la mafia détournait l’eau municipale pour arroser des plantations de marijuana.
Ces condamnations ne suffiront pas venir à bout de la ’Ndrangheta
Plus de cinq mille heures d’audience ont été nécessaires pour lever le voile sur la ‘Ndrangheta, qui s’est spécialisée dans le chantage, les menaces et même les assassinats. Contre ses membres, la justice a retenu plusieurs chefs d’accusation. Association mafieuse, trafic de drogue, extorsion, blanchiment d’argent sale, usure, trucage des appels d’offres et des élections et acquisition d’armes font partie de la longue liste de charges. Si ce procès représente un coup dur pour la ’Ndrangheta, il ne suffira pas à venir à bout de cette mafia. Il faudrait aussi songer à mettre en place un véritable programme pour l’emploi et l’éducation.