Son nom a changé le football à jamais, mais 30 ans après sa victoire historique, l’ancien joueur belge vit dans l’ombre avec une pension pour handicapé par mois pendant que le sport qu’il a transformé génère des milliards.
Le 15 décembre 1995 restera à jamais une date emblématique dans l’histoire du football européen. Ce jour-là, la Cour de justice de l’Union européenne rendait un arrêt révolutionnaire qui allait bouleverser les fondements mêmes du ballon rond.
L’arrêt Bosman, du nom de ce footballeur belge alors inconnu du grand public, mettait fin au système de quotas de joueurs étrangers et consacrait une liberté de mouvement sans précédent pour les professionnels du ballon rond.
Trente ans plus tard, cette décision continue de façonner le paysage du football moderne. Elle a permis aux clubs de renforcer leurs effectifs en attirant des talents venus du monde entier, transformant les compétitions européennes en vitrines du football international.
Les transferts records se sont enchaînés, les salaires se sont envolés, et une nouvelle ère de mondialisation sportive s’est ouverte, portée notamment par l’explosion des droits télévisuels.
Une victoire aux conséquences paradoxales
Pourtant, pour Jean-Marc Bosman lui-même, les fruits de cette révolution ont un goût particulièrement amer. Aujourd’hui âgé de 61 ans et en situation de handicapé après une chute pendant une crise d’épilepsie, l’homme qui a ouvert les vannes de la liberté contractuelle dans le football vit avec une pension mensuelle de 2000 euros.
« Tout le monde est passé à la caisse, sauf moi. J’ai touché un peu d’argent, mais cela aurait pu être beaucoup plus », confie-t-il dans les colonnes du Parisien, à l’occasion de la parution de son ouvrage Mon combat pour la liberté (éditions Solar).
L’auteur y retrace ces années de lutte acharnée contre un système qui le broyait. Un combat judiciaire épuisant, long de cinq années, qui l’a isolé professionnellement et personnellement. Pendant que les avocats débattaient à Luxembourg, sa carrière de footballeur s’éteignait doucement, sacrifiée sur l’autel d’un principe plus grand que lui.
« Je resterai dans l’histoire, mais sans la richesse »
Celui qui se présente désormais comme « le joueur qui a eu la folie de dire non », a complètement déchanté, avouant avoir regretté cette bataille, au regard de l’ampleur de son sacrifice.
« J’ai donné des droits à tout le monde en Europe, mais la contrepartie c’est que je n’en ai eu aucun, à un moment, dans mon propre pays », déplore l’ancien milieu de terrain de Dunkerque, évoquant avec amertume l’offre de 2,5 millions d’euros qu’il avait refusée à l’époque pour mettre fin au différend.
Sa formule la plus frappante vient d’un échange avec Michel Platini : « Tu resteras dans l’histoire comme Coca-Cola ou Bic… mais sans la richesse ». Une phrase qui résume la situation d’un homme dont le nom est gravé dans le marbre du droit du sport « mais pas en lettres d’argent » sur les relevés bancaires.
